"Le compositeur russe Grigori Frid éprouve, selon son aveu, un violent choc émotionnel après avoir lu le Journal d'Anne Frank. Il choisit alors de mettre en musique ce récit déchirant sous la forme d'un « mono-opéra » - le terme désignant ici un monologue lyrique pour soprano en vingt-et-une scènes. Celles-ci sont construites autour de courts extraits du Journal choisis par le compositeur dans sa traduction russe.
Si le format pour voix féminine seule rappelle l'Erwartung de Schönberg ou La Voix humaine de Poulenc, l'écriture de Grigory Frid renvoie davantage à Mahler, Berg et surtout Chostakovitch. Le compositeur choisit d'ailleurs une proximité expressive au texte, sans tomber ni dans la facilité illustrative, ni dans l'aridité d'un système. L'œuvre est ainsi construite autour d'un motif obsessionnel de quatre notes, dont l'apparition sous différentes formes irrigue chaque scène - comme un présage funèbre du destin tragique de la jeune fille. La partition varie les ambiances, combinant à la densité rythmique et polyphonique de certains tableaux (Le Raid) une nudité harmonique désespérée (Mémoire) ou le lyrisme naïf d'un amour enfantin (Je pense à Peter)"...
Tancrède Scherf, 2013